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Masques

9 juillet 2010

Mon frère et son copain sont repartis ce matin.

Mon frère et son copain sont repartis ce matin. Leurs oraux s'étant terminés mercredi, ils avaient décidé de prolonger leur séjour par une journée de tourisme, le copain en question n'étant jusqu'alors que très rarement venu à Paris. Je les ai accompagnés, prévoyant de jouer les cicérones ; c'était compter sans la chaleur accablante qui rendait la marche si pénible qu'une halte à la Fn*c Digitale, hâvre de fraîcheur au milieu du boulevard Saint-Germain, s'est transformée en séjour prolongé. J'ai eu le plus grand mal à arracher mes deux compères à la contemplation des ordinateurs dernier cri et gadgets électroniques. Il semblerait que mon frère, en prépa, soit devenu un peu geek.
Après leur départ, j'ai fait pas mal de ménage. Que mon frère ne soit pas une fée du logis, je le savais déjà ; quant à son copain, il ne vaut guère mieux : il flotte encore dans la pièce qu'il a occupée — celle que nous appelons pompeusement notre séjour — une odeur de vestiaire de lycée et ce parfum de vieille basket qui lui est consubstantiel.

Simon est assez souvent parti pour de courtes absences : d'abord, il visite régulièrement ses parents pour un jour ou deux, et surtout il accepte volontiers les remplacements et les cachetons pourvu qu'ils soient intéressants ou, à défaut, bien payés. L'été voit le pic de son activité et, cette fois encore, nous serons plus souvent séparés qu'ensemble.
Au début de notre cohabitation, je considérais sans déplaisir ces moments de solitude retrouvée. Même, je les appréciais ; ils constituaient une sorte de soupape de sécurité, lorsque je me disais : « Enfin seul ! » et sentais que je pouvais relâcher l'attention (la tension) qu'implique la vie à deux lorsqu'on est habitué à être seul. Maintenant au contraire, ces absences me pèsent. C'est que, parmi les nombreuses idées reçues auxquelles, naïvement, je croyais dur comme fer et dont j'ai eu à revenir, figure celle selon laquelle les habitudes et le quotidien tuent l'amour. Je crois au contraire qu'ils le cimentent, pour peu qu'ils soient équilibrés par les contrepoids appropriés. Comme tous les couples, nous avons fini par développer nos propres codes, nos rituels, nos routines. Ils sont devenus constitutifs de notre relation, n'appartiennent qu'à nous, et me manquent lorsque je me trouve seul.
Pour me distraire de cette solitude forcée, j'ai commencé à me documenter en prévision du séjour que nous ferons en Italie fin août. Pour l'heure, nous n'avons que les billets d'avion low cost, 110 € chacun, destination : Venise. Tout le reste est à remplir !

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3 juillet 2010

Si j'ai regagné Angers, c'est pour en partir

Si j'ai regagné Angers, c'est pour en partir presque aussitôt avec ma mère et mon beau-père, profitant du bref séjour qu'ils font au bord de la mer. Je dois dire que c'est davantage l'envie de nature que celle de leur compagnie qui me motive.
Simon est parti jusqu'au 14 juillet et, durant notre absence à tous deux, c'est mon frère et l'un de ses copains qui vont occuper l'appartement durant quelques jours, le temps de passer leurs épreuves de concours. Il fait très chaud à Paris mais, heureusement pour eux, notre appart reste frais ; orienté au nord, il ne bénéficie, à cette seule période de l'année et pour quelques jours seulement, que d'un petit quart d'heure d'ensoleillement vers huit heures du soir : pas de quoi le transformer en fournaise.
Ici, sur ce petit coin de littoral, il n'y a pas encore grand monde ; cela changera dès la semaine prochaine, avec l'afflux de vacanciers qui rendra l'endroit invivable, mais alors j'en serai parti... Grâce à l'air marin, la chaleur est ici toujours supportable, fort agréable même, et je dois dire qu'après une année durant laquelle j'ai beaucoup travaillé, je me délecte à ne rien faire. Hier, j'ai lu un gros bouquin de D. Kennedy, un bouquin de plage. Un vrai navet, au demeurant. Dans ce genre de littérature commerciale qui a pour unique propos de distraire sans se torturer les méninges, seule compte l'histoire et la succession d'événements qui la composent, aussi invraisemblables que soient les situations ; les personnages et leurs relations sont caricaturaux et les seuls traits de caractère intéressants sont à peine effleurés. Ce bouquin pourrait servir de modèle, et tous ces défauts y sont poussés à l'extrême. Demain, j'aurai oublié son titre...

Pour la première fois, je me demande si j'aime toujours cet endroit auquel je me croyais si attaché. Peut-être cela tient-il aux circonstances : y venir en même temps que ma mère était sans doute une erreur. Je suis seul sans être seul. C'est dire si nos relations sont pauvres et distendues. Civiles, c'est le seul qualificatif qui me semble convenir. Je crois l'avoir déjà dit, je préférerais l'hostilité ou la confrontation à cette normalité de surface si proche de l'indifférence. Je feins souvent de m'en être accommodé alors qu'en réalité, cela m'atteint profondément à chaque fois. C'est un cercle vicieux : la rareté de mes visites a pour principale raison le malaise et la tristesse que je ressens à chaque fois, et forcément cette distance que je maintiens n'arrange en rien la situation.

1 juillet 2010

Depuis que mes visites à Angers se sont

Depuis que mes visites à Angers se sont considérablement espacées, je ne voyage plus guère par le train ; mais au temps où je l'empruntais régulièrement, j'ai souvent déploré que le sort ne me donnât pour voisins que rombières ou quinquagénaires bedonnants, gens laids, vulgaires ou malodorants. Vainement j'attendais que vînt s'asseoir à mon côté un beau garçon dont le charme m'aurait distrait de l'ennui du voyage. Quatre ans bien sonnés, c'est ce qu'il aura fallu pour qu'enfin mon vœu soit exaucé, avant-hier, lorsque cet Adonis s'est avancé dans le couloir du TGV, scrutant les numéros de sièges avant de s'arrêter à ma hauteur et enfin s'asseoir dans le siège voisin.
C'est très précisément mon type, celui qui de toujours m'a fait ressentir ce petit pincement des tripes : brun, élancé, de taille moyenne, un joli visage ovale aux traits fins et réguliers. Une fois qu'il s'est assis, je peux à loisir l'observer en détail, de ce discret coup d'œil en biais que tous les gays ont appris à maîtriser. Ce m'est d'autant plus facile qu'il ne me jette pas un regard. Sans doute un peu plus jeune que moi, il peut avoir dix-huit ou dix-neuf ans. Ses cheveux bruns aux reflets acajou sont savamment coiffés en avant, une longue mèche surplombe le front, défiant avec naturel les lois de la pesanteur grâce à quelque cosmétique de prix ; il a le nez droit et court ; trois poils bruns mal rasés sur le menton, et guère davantage au-dessus de la lèvre, ornent une peau légèrement mate et parfaitement lisse, et ne parviennent pas tout à fait à donner l'air mâle à ce visage encore adolescent. Lorsqu'il se lève pour fouiller dans son bagage, on peut admirer le galbe de ses fesses, idéalement rebondies, comme si elles avaient été moulées pour la paume d'une main.
Oui, il est vraiment très beau, adorable même. Hélas, c'est une sorte d'autiste, comme j'en vois tant parmi ceux de mon âge : à peine installé, il se coupe de tout et s'immerge dans son monde. De sa poche il tire un smartphone et à plusieurs reprises pianote un texto, avant de coiffer ses oreilles d'un gros casque branché sur son ordinateur portable, et de s'absorber dans un film d'animation, de la fantasy, montrant de petits personnages humanoïdes, grotesques et sympathiques, dans un décor de bande dessinée pour enfants de cinq ans. Il n'en sortira plus jusqu'à l'arrivée. De tout le voyage, il n'aura de regard ni à droite ni à gauche, pas une fois ses lèvres ne se relèveront pour un sourire, pas un son ne sortira de sa bouche. Pour lui, nous n'existons pas.

Tant pis ! Adieu, beau Jérémie — j'ai pu lire ton nom de biais lorsque tu as sorti ton portefeuille pour le contrôleur. Tu es à croquer mais je ne pourrais jamais t'aimer. Tu m'es comme un alien. Moi, ton voisin, tu ne m'as même pas vu, pas plus du reste que tu n'as vu la très jolie fille assise deux rangs plus loin. Tu es à désespérer et — je préfère te le dire franchement — avant même d'avoir commencé, tout est fini entre nous ! Car tu préfères les lutins aux humains, les réseaux sociaux aux vrais amis, Beyonce à Mozart. Je te plains et t'abandonne à ton univers schizophrène. Ce soir tu n'auras personne ; c'est F*cebook qui te souhaitera le bonsoir, et c'est ta main droite qui te donnera du plaisir avant que, tout seul dans ton lit, tu ne sombres dans un sommeil peuplé de gnomes verdâtres.

12 juillet 2009

dimanche

Profitant de quelques apparitions du soleil, j'ai repris aujourd'hui mon vélo, pour la première fois depuis l'accident. Manque de chance, les voies sur berges n'étaient pas fermées aux voitures ce dimanche ; peu importe, j'ai suivi les bords de Seine jusqu'au Champ-de-Mars puis retour par la rive droite, ce qui fait une agréable balade. Cela fait déjà plusieurs mois que j'ai rapporté mon vélo à Paris ; c'est que je suis allergique aux Vélib', si lourds et peu maniables. Ce sont d'ailleurs presque toutes mes affaires que j'ai maintenant rapportées d'Angers, n'y conservant que quelques vieux vêtements ; en contrepartie, lorsque j'y retourne – rarement il est vrai –, il me faut charrier un gros sac.

Mon frère, lui, vient assez fréquemment passer deux ou trois jours ici, lors de vacances ou le temps d'un weekend, presque toujours avec sa copine, que j'aime beaucoup, une petite brunette aux yeux pétillants, d'une vive intelligence et d'un caractère volontaire. Voilà un moment maintenant qu'ils sont ensemble. Elle exerce une grande influence sur mon frère, qui avait l'habitude d'en faire le moins possible et lui doit son résultat au bac et sa motivation pour aller en prépa. Elle, de son côté, ambitionne d'entrer à Sciences Po et y réussira sûrement. Je m'amuse toujours à les regarder ensemble et à voir comment ils interagissent : c'est que la relation qu'ils ont me paraît si différente de celle que j'ai ou ai eu avec mes amoureux ! Ils ont assurément une grande connivence mais se comportent l'un avec l'autre davantage en bons copains qu'en amants, du moins en ma présence. J'ai le sentiment que l'aspect sensuel d'une relation compte peu pour eux, bien moins en tout cas qu'il ne compte pour moi ; d'ailleurs, ils se touchent peu, n'ont pas de ces petits gestes de tendresse qui échappent souvent aux amoureux, et ils dorment rarement ensemble, pas davantage à Angers qu'à Paris, où Fanny a des cousins chez qui elle va passer la nuit ; le sexe n'est assurément pas ce qui les lie l'un à l'autre. Je dirais que mon frère semble davantage tenir à elle qu'elle à lui ; ce qui est évident, c'est qu'il dépend davantage d'elle que l'inverse, et je soupçonne que lorsque leurs chemins s'écarteront – cela arrivera presque fatalement du fait de leurs études respectives –, elle le quittera, avec chagrin sûrement mais sans états d'âme.
J'ai toujours plaisir à les avoir ici – Simon aussi, je crois. Fanny est vive et cultivée, s'intéresse à tout – davantage que mon frère dont les centres d'intérêt sont plus limités – et nous avons toujours des conversations animées et intéressantes.
Quelle que soit leur relation, et même si elle diffère de l'idée que je me fais d'une relation amoureuse, elle semble leur convenir et contribue en tout cas à l'équilibre qu'on perçoit chez eux : tous deux sont bien dans leur tête et bien dans leur peau.

 

Maintenant que les vacances sont là, le grand battage médiatique se met en place autour des futurs best-sellers de l'été. Pour la plage, il y a Marc Lévy, ce conteur-né, dont le dernier opus s'empile en tête de gondoles dans les supermarchés. Pour les soirées, il y a le ciné et H*rry P*tter 6, avec cette question qui nous taraude : Harry, qui a grandi et que ses hormones travaillent méchamment, va-t-il faire usage de son bâton magique avec Ginny ?

11 juillet 2009

samedi soir

Reçu le compte-rendu de la radio de la main effectuée avant-hier : « Structure osseuse et rapports articulaires normaux. Absence de lésion osseuse traumatique. » Beaucoup mieux, donc, que celui d'il y a un mois : « Fracture arrachement du ligament collatéral radial du pouce droit avec volumineux fragment proximal de 6 x 3mm et arrachement distal sous la forme d'une avulsion corticale. Il s'associe à cette lésion une fracture avulsion de la face supérieure du sésamoïde latéral. »  Du chinois, mais c'était quand même un peu inquiétant…

 

À propos de chinois, le hasard veut que, depuis que je suis étudiant à Paris, j'aie toujours habité à proximité d'un de ces quartiers baptisés du même nom. C'était le cas rue de la Fontaine-au-Roi, toute proche de Belleville, comme ça l'est ici. Et si ce n'est pas vraiment le quartier chinois, c'est sa banlieue, comme l'atteste la batterie de boîtes aux lettres située à l'entrée de notre immeuble sur lesquelles une bonne partie des noms qui figurent est à consonance asiatique. Nos voisins immédiats portent un patronyme vietnamien, le même d'ailleurs que deux autres familles de l'immeuble auxquelles ils ne sont cependant pas apparentés. Sans doute pas très pratique pour le facteur…  Au rez-de-chaussée, dans l'ancienne loge de gardiens, habite une famille chinoise dont l'un des deux enfants, un garçonnet, fait du piano. L'année durant, dès le retour de l'école, je l'entends étudier consciencieusement pendant une demi-heure ; malgré sont assiduité, il ne progresse guère et ce sont toujours les mêmes scies, du Gai laboureur à une couple de menuets et autres bourrées, qu'il ânonne et fait résonner dans la cage d'escalier ; avec un peu de chance, l'adolescence arrivant, la console l'emportera bientôt sur le piano.
Aux alentours, il ne manque pas d'épiceries et de petits restaurants asiatiques aux menus bon marché, qui presque tous vendent des plats à emporter. Ça tombe bien : j'adore ça et on peut aisément se restaurer pour quelques euros. Nous en profitons les jours de flemme !
Notre immeuble est vaste et comprend plusieurs corps de bâtiments, des habitations mais aussi d'anciens entrepôts qui bordent un des côtés de la cour ; c'est là que je range mon vélo. Nous ne connaissons pas tout le monde, loin de là, mais il y a certaines têtes que l'on croise fréquemment ou qu'on remarque davantage : la dame âgée à l'air usé qui monte et descend l'escalier en maugréant contre on ne sait qui, les deux messieurs du cinquième, la quarantaine, portant costard cravate en semaine et jean moulant et débardeur le weekend, le petit voisin du dessus, un beau brun de dix-sept ou dix-huit ans, un peu ténébreux, qu'en d'autres circonstances j'inviterais volontiers pour une conversation privée. Nous habitons au premier, juste au-dessus du porche, ce qui a pour avantage que nous ne dérangeons personne en dessous. Nos fenêtres donnent sur la rue, hélas au nord  ; par delà les voies du chemin de fer, on voit les tours de la TGB, le pire fiasco de l'architecture récente.
Nous, nous sommes dans le vieux quartier. Mais un peu plus loin, le chantier continue de bouger, de nouvelles rues se sont ouvertes ; Thomas Mann y côtoie Goscinny, une abrupte juxtaposition qui reflète bien celle de ce coin de Paris où les immeubles flambant neufs pour bobos fortunés voisinent avec d'anciens squats qui tentent désormais de se donner un air respectable.

 

Simon est parti hier jusqu'à dimanche soir. Nous avons prévu, à son retour, une petite excursion histoire de changer d'horizon. Nous avions songé au Mont St Michel, où ni lui ni moi ne sommes jamais allés, mais tout bien considéré, cela semble un peu loin ; et le temps est fort maussade. À la place, nous pourrions bien nous contenter d'aller chez ses parents, une destination certes moins exotique.

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10 juillet 2009

au début de l'été

Si je ne suis officiellement en vacances que depuis deux semaines, voilà un mois que j'ai passé ma dernière épreuve d'examen ; un timing parfait puisque, dès le lendemain, la trajectoire de mon vélo croisait celle d'un imbécile à quatre roues quittant son stationnement sans prévenir. J'ai fait mon possible pour l'éviter, au prix d'un dérapage et d'une chute sur la chaussée humide. En tombant je suis allé heurter assez violemment le socle en béton d'un feu de signalisation ; je m'en suis tiré avec une bonne abrasion du côté gauche, un hématome sur la cuisse que je sens encore plus de quatre semaines après, et surtout une entorse du pouce droit qui m'a valu de porter une orthèse jusqu'à hier. Mon vélo, lui, n'a rien eu. Quant à l'automobiliste, il s'est courageusement débiné…
Bref, tout ceci est désagréable mais pas très grave ; cependant on imagine mal à quel point, pour un droitier, il est gênant d'avoir la main droite prise dans une gangue de plastique rigide dès qu'il s'agit d'accomplir le moindre geste de la vie courante.

Cet été sera le premier depuis des années pendant lequel je ne travaillerai pas. La crise est passée par là et je n'ai pas trouvé de job. Mais j'ai pas mal travaillé ces derniers mois, entre boulots alimentaires – petits cours et baby sitting – et, pour la première fois, quelques travaux plus en rapport avec mes études, si bien que j'ai quelques économies. Ce n'est pas le Pérou, surtout en comparaison de Simon qui, de cachetons en remplacements, parvient presque à l'autosuffisance sur le plan financier, mais je ne me plains pas.
J'irai peu à Angers ; mon frère en étant absent presque tout l'été, rien ne m'y attire.

Le dernier weekend de juin, nous sommes partis à cinq en voiture pour le Bassin d'Arcachon, où le cousin d'une amie se mariait. Une expédition entre condisciples amis, une esseulée et deux couples, l'un hétéro l'autre pas ; et l'occasion pour Simon et moi de découvrir cet endroit au charme si particulier, récompense d'un voyage un peu long. Nous avons campé dans le jardin d'une grande maison, à cinquante mètres de l'eau, sous un ciel sans nuages.
Le samedi après-midi, c'était le mariage religieux, suivi d'un vin d'honneur puis, le soir, d'une fête organisée dans un restaurant au bord de l'eau. La cérémonie était célébrée dans une petite église sans beauté, dans un joyeux désordre peuplé de petits enfants bruyants et endimanchés, de dames à chapeaux et de gros messieurs en complet. Les mariés étaient superbes, lui en costume gris clair, elle dans une longue robe crème sans voile ni froufrous. Ils étaient accompagnés d'un petit bambin de dix ou douze mois, leur fils, qu'une jeune fille tenait dans ses bras à leur côté.
J'ai écouté la messe, toujours un peu surpris par le sentiment d'étrangeté que procure le rituel au spectateur non-croyant, et navré par la laideur des chants. On a lu l'inévitable texte de St Paul, tarte à la crème du mot en A en dépit du fait que Paul n'y parle assurément pas de l'amour conjugal ; le prêtre a fait une homélie assez convenue, se forçant à quelques traits d'humour auxquels on a ri par politesse ; puis il y a eu l'échange des consentements, dits par les mariés d'une voix un peu tremblante. Tout ceci ponctué de pleurs de bébés, de galopades de bambins et des allées et venues des nombreux photographes. Enfin les mariés sont sortis, sous une pluie de pétales de fleurs.
On peut trouver le mariage inutile ou même ringard ; cela m'est arrivé. Pourtant cette après-midi, au-delà du désordre et du folklore, il y avait ces mariés, tous deux radieux, et leur petit enfant ; et moi qui ne les connaissais même pas, assis sur mon banc à côté de Simon dont j'avais envie de prendre la main, je ne pouvais m'empêcher de partager leur émotion. Il suffisait de les regarder : le mariage est un pacte d'amour. À nous autres on n'offre qu'un pacte de solidarité, et ce n'est quand même pas pareil !

9 février 2009

lundi soir

S'il est un sujet que j'ai souvent évoqué, depuis plus de quatre ans que j'ai ouvert ce journal, c'est bien celui de la découverte puis du lent travail d'acceptation de mon orientation sexuelle tout au long de l'adolescence. Aujourd'hui que j'ai 21 ans et, à tort ou à raison, me considère adulte, alors que je vis avec un autre garçon une relation qu'elle aussi je considère adulte (à tort ou à raison) et que j'assume totalement, je peux espérer avoir tourné cette page. Parvenir à ce point m'a pris du temps et s'est fait au prix d'angoisses et d'une grande souffrance morale que j'ai digérées mais que je n'oublie pas. Ces angoisses, cette souffrance marquent d'autant plus qu'elles surviennent généralement au début de l'adolescence, lorsqu'on est mal armé pour les vaincre ou même simplement les dominer. Je suis persuadé qu'elles m'ont façonné, tout autant que mon éducation ou mon environnement familial, et qu'elles me marqueront à jamais.
Je me suis toujours méfié des gays qui prétendaient ne les avoir jamais endurées, les happy gays ; pour la plupart, soit ils ont la mémoire courte soit ils refoulent leurs souvenirs ; ou alors ils ont préféré oublier et réécrivent leur propre histoire. Dans mon entourage le plus proche, j'en connais plusieurs qui n'ont pas encore laissé cette souffrance derrière eux. Ils n'en parlent pas, ou rarement ; parfois ils la dissimulent sous l'exubérance ou une affirmation provocante, mais elle se voit, elle se sent, dans leur relation aux autres, dans celle qu'ils entretiennent avec leur famille. Leurs échecs sentimentaux ont souvent leur source dans cette souffrance qui peut empoisonner toute relation.

Simon, lui, a échappé à tout cela ; il le dit et je le crois. C'est qu'il n'a jamais été frappé par le sentiment d'être différent. Sans doute parce qu'il a eu la chance de connaître un ensemble de circonstances favorables : très jeune, à 15 ans, il a vécu au grand jour une belle histoire d'amour partagé ; scolarisé par correspondance, il n'allait pas au lycée et n'était donc pas soumis en permanence au jugement de ses pairs ; grâce à sa mère, il avait été élevé à l'abri de tout conformisme moral et sa famille a tout naturellement accepté la réalité comme un non-événement. Nulle peur de l'aveu, nulle sensation d'être différent, ni dilemme ni sentiment de culpabilité ni souffrances. Aujourd'hui, il ne songerait jamais à se définir comme gay ; il l'est assurément mais ce n'est pas ce qui le définit. Lorsque je l'ai connu, il m'a fallu assez longtemps pour m'assurer qu'il l'était…  C'est qu'il ne se cache pas plus qu'il ne s'exhibe, et se fiche éperdument de ce qu'en pensent les autres. Au prix d'un certain effort, je m'efforce de l'imiter.

9 février 2009

lundi

Nous avons hier aidé une amie à déménager, ou plus exactement, à faire ses cartons en vue d'un déménagement. Vis à vis des autres, j'imaginais mal me défiler au prétexte de ma tendinite et m'abstenir de porter des choses lourdes. J'ai donc trimbalé mon lot de cartons et j'ai de nouveau un mal de chien. Mon toubib m'avait fait une ordonnance pour douze séances de kiné, ordonnance que j'avais rangée dans un coin en pensant qu'elle était superflue. Mais ce coup-ci, j'ai décidé de prendre rendez-vous.

Hier, Simon et moi avons passé une soirée très tranquille tous les deux, ce qui finalement n'arrive pas si souvent, soit que nos emplois du temps ne coïncident pas, soit que nous sortions avec des copains, soit que nous en recevions. Au moins, depuis que nous habitons assez loin, nous n'avons presque plus de visites impromptues, ce qui n'est pas plus mal ; dans le passé, il est arrivé que certaines soient fort inopportunes.

Cette année, le lundi est une journée tranquille pour moi ; à l'inverse elle est chargée pour Simon, qui rentre tard. C'est notre dernière semaine de cours avant les vacances ; ce qui est un peu effrayant, c'est qu'à la rentrée, début mars, notre année ne sera déjà plus très éloignée de son terme.

6 février 2009

vendredi

Semaine chargée : j'avais un travail à rendre ce matin, terminé dans l'urgence.
Je reste ici ce weekend encore ; voici plusieurs semaines que je ne suis pas retourné à Angers, tant pour faire des économies que pour fuir l'atmosphère pesante qui plombe mes relations avec ma mère. De ce fait je vois moins mes amis angevins, qui de toute façon ont leur propre vie. Mon frère est venu ici passer presque une semaine avec sa copine au Jour de l'an ; pour le reste, nous bavardons régulièrement sur MSN ou par téléphone, si bien que je n'ai pas trop le sentiment que la famille me manque. De plus en plus je sens que ma vie est ici et que mes attaches antérieures se distendent, quoi qu'il m'en coûte.
Ce soir Simon et moi allons dîner chez sa sœur et son beau-frère, comme nous le faisons assez souvent. Je les aime bien, j'y suis reçu avec chaleur et m'y sens considéré comme quelqu'un de la famille ; davantage –  et c'est triste à dire – que dans la mienne propre.

Les jours commencent à rallonger, la température s'est considérablement radoucie et je me suis promis que, demain matin, je recommencerai à aller courir. En général je traverse la Seine et vais jusqu'au parc de Bercy, où l'on échappe aux voitures. Je cours seul : Simon ne m'a accompagné que trois ou quatre fois, préférant le reste du temps le moelleux de la couette et la détente que procure la position allongée.

3 février 2009

mardi

Chaque mardi matin, j'ai cours en même temps que S*, avec qui j'étais brièvement sorti il y a un peu plus d'un an. Comme nous sommes très peu nombreux, je suis presque fatalement assis à côté de lui, ou bien juste en face. Nos rapports ne sont pas mauvais, ils sont même cordiaux, en apparence du moins, car en réalité c'est une cordialité que je sens fortement contrainte, de sa part comme de la mienne. Ce n'est pas que nous éprouvions du ressentiment l'un pour l'autre ; c'est plutôt de la gêne, celle qu'à mon avis chacun de nous ressent d'avoir si mal répondu aux attentes de l'autre : moi en m'étant précipité tête baissée dans ce qui n'était somme toute qu'un crush de collégien alors que, déjà, je pensais au retour prochain de Simon ; lui en se laissant convaincre puis se trouvant en définitive incapable d'assumer une relation avec un mec, vis à vis de ses amis et, surtout, de sa famille ; s'apercevant enfin que je ne lui plaisais pas tant que ça.
J'ai le vague sentiment que chacun de nous se juge le plus coupable des deux. Chaque mardi matin, nous échangeons donc civilement quelques mots. Mais, bien que nous ayons eu la relation la plus intime que deux mecs puissent partager, nous nous trouvons incapables d'y glisser la moindre parole un tant soit peu personnelle et nous comportons l'un envers l'autre comme de quasi étrangers.

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