dimanche matin

À l'aide d'un grand sous-verre acheté en solde, je me suis confectionné voici quelque temps un nouveau panneau de photos pour ici ; cela me manquait de n'être pas entouré des figures familières qui peuplent mon petit univers intérieur, famille, amis, amoureux du passé. Le dernier ajout en est une photo de mes grands-parents, alors jeunes, tenant à la main un petit garçon – mon père –, que ma grand-mère m'a donnée avant-hier. Elle y porte une robe fleurie évasée et une coiffure démodée qui la fait rire aujourd'hui lorsqu'elle la regarde avec sa grosse loupe, et mon grand-père a déjà cet air de bonté que je lui ai connu bien plus tard, lorsque j'étais enfant.

Vendredi soir, c'était le gala des étudiants. L'année dernière, je n'y étais pas allé, ni Simon ni moi n'en ayant envie. Cette année, j'ai vaincu les réticences de S* – il est comme j'étais l'an dernier et ne connaît pas encore grand monde – et nous y sommes allés ensemble. C'était notre première sortie en tant que boyfriends. Et cet état était fort récent puisqu'il datait de l'après-midi même, lorsqu'il m'avait demandé, de manière charmante et un peu vieillotte, si je voulais bien « sortir » avec lui. Évidemment, j'ai dit oui ! Donc, nous sortons ensemble, et c'est à peu près tout pour l'instant, à part quelques baisers somme toute assez chastes. Je ne m'en plains pas : une période de romantiques fiançailles à la Jane Austen n'est pas pour me déplaire, à condition qu'elle ne dure pas trop longtemps… 
Hier, j'ai passé l'après-midi chez lui – il pleuvait des cordes et nous n'étions guère tentés de sortir. Je crois que je vais très bientôt tomber sérieusement amoureux de lui ; au début, j'étais avant tout captivé par son physique et son charme, mais je commence maintenant à mieux entrevoir sa personnalité : dans le fond, c'est le plus normal des mecs et cela a quelque chose de rassurant et pacifiant. Il est assez réservé, comme je le suis aussi, dans ses gestes tout du moins. En ce qui me concerne, si j'ai pris quelque assurance ces derniers mois, j'ai remarqué que je redevenais assez timide dès que je sentais possible une quelconque implication sentimentale. C'est compréhensible, après tout : on joue plus gros.

En sortant de chez lui, je suis allé traîner au Bon marché tout proche, ce vénérable grand magasin où je n'avais encore jamais pénétré : la foule d'avant Noël s'y pressait et j'étais curieux de voir quels trésors l'y attiraient. J'ai trouvé un pull qui me plaisait, une parka aussi ; l'un valait 159 €, l'autre 450…  Un bête tee-shirt y coûte une trentaine d'euros. Soit il y a beaucoup de gens très fortunés, soit la majorité des chalands étaient venus comme moi, pour admirer ce qu'ils n'ont pas les moyens d'acheter.

Aujourd'hui je suis seul ici, comme presque chaque weekend, et je bosse. Je dois sortir vers midi pour faire quelques courses alimentaires ; le frigo est vide et j'ai faim.