dimanche

J'ai quand même une raison de me sentir heureux, c'est Y*. Lorsque j'ai commencé à sortir avec lui, le moins que l'on puisse dire est que je n'y croyais pas beaucoup. Je ne sais pas trop ce que je voulais alors, m'amuser, me changer les idées…  Par dépit, j'avais envie de me montrer cynique, de m'essayer à la séduction pour le sport. Lui était là, un garçon que je ne trouvais ni beau ni laid, ni grand ni petit, dont les principaux attraits sont une petite bouche charnue aux lèvres d'un dessin parfait et des yeux en amande. Ce n'était pas son physique qui me frappait mais son air doux et un peu triste, qui d'emblée m'a touché. Surtout, il me regardait avec espoir parce que je m'intéressais à lui, le faisais parler, cherchais à le revoir ; pour moi, c'était flatteur : pour une fois, je menais le jeu et y prenais plaisir. Auparavant, je m'étais toujours trouvé dans la situation d'être celui des deux qui attend, espère le plus – du moins était-ce l'impression que j'avais. Tandis que là, c'était le contraire. Au début, parce qu'il est lycéen et paraît à peine son âge, je le trouvais trop jeune pour moi, ce qui était ridicule et plutôt condescendant compte tenu du fait que nous avons moins de deux ans d'écart.
Je ne lui ai pas sauté dessus ; je ne suis décidément pas fait pour la séduction à la hussarde, « conclure » rapidement, comme on dit sans penser que ce terme évoque la fin. Du reste ce n'est pas cela qu'il cherchait, se faire sauter…  Il est romantique, tendre, et d'une pudeur rafraîchissante.
J'ai toujours eu conscience d'avoir un cœur d'artichaut ! Et de fait je me rends compte que je l'aime plus profondément que ce que je n'escomptais au départ. Il est possible que nous nous leurrions un peu : peut-être n'est-ce pas tant lui que j'aime que ce mec qui me désire et à qui je me sens nécessaire, tandis que lui, de son côté, aime avant tout le premier mec qui l'a accueilli dans ses bras.

Comme V*, bien que d'une manière toute différente, il flatte mon ego. C'est une chose que j'ai remarquée, mon subconscient fait correctement son boulot en me faisant ressentir de l'attirance pour des mecs réservés et plutôt introvertis, de sorte que je leur parais moins terne ; j'aime les mecs timides et inexpérimentés car leur gaucherie me touche et, surtout, face à eux je semble plein d'assurance. J'imagine facilement que les grandes gueules, les extravertis, les hyperactifs ou les routiers de la séduction me ficheraient des complexes et que jamais je ne pourrais me mesurer à eux.

Avec Y* nous nous voyons souvent, mais peu de temps à chaque fois car ses parents le tiennent au bout d'une laisse et il a peu de liberté. Nous n'avons encore jamais dormi ensemble. Cependant, si le temps le permet, nous projetons de partir camper à quelques kilomètres d'ici le weekend prochain, à la condition qu'il parvienne à endormir la vigilance de ses parents et éluder leurs questions.